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    AccueilMgr João S. Clá DiasLa paix soit avec vous

    La paix soit avec vous

    Mgr João Scognamiglio Clá Dias, EP

    « Nous avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit » (cf 1 Co 12, 13). Qui est le Saint-Esprit, quelles ont été les circonstances et quelles ont été les principales grâces accordées à Marie et aux disciples à l’occasion de la Pentecôte ? Voilà les enseignements que la liturgie met à notre disposition à propos de la solennité d’aujourd’hui, nous faisant comprendre où se trouve la vraie paix.

    Solennité de la Pentecôte

    (Messe du jour – Évangile)


    19 Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! » 20 Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. 21 Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. » 22 Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint. 23 À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. » (Jn 20, 19-23)


    I — L’Église à l’occasion de la Pentecôte

    Prière dans une atmosphère d’harmonie et de concorde

    Comme tant d’autres fêtes liturgiques, la Pentecôte nous rappelle l’un des grands mystères de la fondation de l’Église par Jésus. Elle était encore dans un état presque embryonnaire — allégoriquement elle était comparable à une jeune fille — réunie auprès de la Mère du Christ. Là, au Cénacle, comme le décrivent les actes des apôtres en première lecture (Actes 2, 1-11), des phénomènes mystiques de grande ampleur se sont produits, accompagnés de manifestations sensibles dans l’ordre naturel : bruit comme un violent coup de vent, langues de feu, et les disciples s’exprimaient selon le don de l’Esprit dans différentes langues sans les avoir apprises auparavant. La haute signification symbolique de ces événements dans leur ensemble, chacun en particulier, a fait l’objet d’innombrables et cohérents commentaires d’exégètes et de théologiens de grande valeur, comme cela ressort clairement des observations que nous avons faites dans un autre article.1 Maintenant, nous mettrons en évidence d’autres aspects non moins importants liés à la narration de saint Luc, afin de mieux comprendre l’Évangile en question et, par conséquent, la propre fête de la Pentecôte.

    La Très Sainte Vierge Marie se distingue en tant que figure exponentielle, prédestinée de toute éternité à être la Mère de Dieu. Il semblerait qu’elle ait atteint la plénitude maximale de toutes les grâces et de tous les dons ; cependant, à la Pentecôte, de plus en plus lui serait accordé. Tout comme elle avait été choisie pour le don insurmontable de la maternité divine, Il lui incombait de devenir la Mère du Corps mystique du Christ et, tout comme dans l’Incarnation du Verbe, l’Esprit saint est descendu sur Elle par une nouvelle et très riche effusion de grâce, pour la parer de vertus et de dons qui lui sont propres et la proclamer « Mère de l’Église ».

    Ils ont rempli les conditions essentielles pour être capables d’accomplir la haute mission que le Divin Maître leur avait destinée, comme nous le dit l’Écriture : « Tous, d’un même cœur, étaient assidus à la prière, avec des femmes, avec Marie la Mère de Jésus, et avec ses frères » (Ac 1, 14). Cette persévérance dans la prière se manifestait continuellement et en silence, dans la solitude et l’enceinte du Cénacle. L’atmosphère était celle d’un maximum de concorde, d’harmonie et d’union entre tous, d’une véritable charité fraternelle. Saint Luc, dans son récit, tient à souligner la présence de Marie, certainement pour démontrer combien Elle était heureuse d’être une fidèle participante de la communauté. Un trait remarquable est la soumission et l’obéissance au Vicaire du Christ, comme en témoignent les versets suivants, dans lesquels le premier acte de gouvernement et de juridiction de saint Pierre nous est raconté (cf. Ac 1, 15-22).

    En résumé, nous voyons que la véritable efficacité de l’apostolat se manifeste là, sous le manteau de la Sainte Vierge, dans l’union effective et affective de tous avec la pierre sur laquelle le Christ a bâti son Église.

    Saint Bernard de Clairvaux

    L’efficacité de l’action se trouve dans la contemplation

    Ce grand événement a été précédé non seulement de dix jours de prière continue, mais aussi de nombreux autres moments de recueillement. Le traumatisme causé par la Passion dramatique du Sauveur a exigé des heures et des heures d’isolement et de réflexion. De plus, la crainte de nouvelles persécutions et trahisons leur imposait la prudence, outre l’abandon des activités communes de leur ancien apostolat.

    Curieusement, en général, le Christ ressuscité a choisi des occasions comme celles-ci — de réflexion et de compénétration de la part de tous — pour leur apparaître, ainsi que le Saint-Esprit pour infuser leurs dons. C’est une leçon importante que nous offre la liturgie d’aujourd’hui : la véritable efficacité de l’action se trouve dans la contemplation. Le même apôtre par excellence, qui s’est même exclamé : « Væ enim mihi est, si non evangelizavero ! » – « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! » (1 Co 9, 16), il a passé une longue période de prière dans le désert pour se préparer à la prédication.

    Celui qui se donne la peine d’analyser pas à pas les activités d’un homme zélé et apostolique peut se tromper s’il pense qu’elles sont le pur fruit de sa personnalité entreprenante, de son caractère dynamique ou même de sa constitution psychophysique. Il y a beaucoup d’hommes travailleurs et féconds qui arrachent de leur être l’inimaginable. En fait, où sont vraiment les énergies utilisées par ces lions de foi et d’efficacité ? Et nous pourrions encore nous demander : comment parviennent-ils, au milieu de l’avalanche d’activités, à garder un cœur tendre et doux envers les autres ?

    Rappelons-nous le conseil de saint Bernard de Clairvaux au pape de son temps, Eugène III : « oui, j’ai peur qu’au milieu de vos occupations sans nombre, perdant tout espoir d’en voir jamais la fin, vous ne finissiez par vous y faire et vous y endurcir au point de rien plus même ressentir une juste et utile douleur. Soyez prudent, sachez vous soustraire pour un temps à ces occupations si vous ne voulez point qu’elles vous absorbent tout entier, et vous mènent peu à peu là où vous ne voulez point aller — Où cela ? me direz-vous peut-être. — À l’endurcissement du cœur, vous répondrai-je. […] Voilà où toutes ces maudites occupations qui vous absorbent ne peuvent manquer de vous conduire, si vous continuez, comme vous l’avez fait jusqu’ici, à vous y livrer tout entier, sans rien réserver de vous-même. »2

    C’est un Docteur de l’Église conseillant le doux Christ sur Terre de cette époque, dans l’exercice de la fonction la plus élevée : le gouvernement de cette institution divine. Eh bien, à son avis, de telles occupations élevées, sans l’aide de la vie intérieure, sont maudites. Telle a toujours été la position de l’âme des Pères de l’Église, des spiritualistes et des saints. Par exemple, saint Thomas déclare : « Pour communiquer la perfection aux autres exige plus de perfection que d’être simplement parfait, car […] chaque cause est supérieure à l’effet. » 3

    Étant donné ces considérations qui découlent de la première lecture, nous sommes plus aptes à contempler les beautés de l’Évangile de la liturgie actuelle.

    II — L’Évangile de la solennité de la Pentecôte

    19 Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »

    L’épreuve vécue par les apôtres dépassait les forces de la fragile nature humaine et, malgré le témoignage enthousiaste de Marie-Madeleine, il ne leur était pas facile de croire à la Résurrection ; peut-être que leur désarroi était au fait de se sentir indigne de recevoir une apparition du Seigneur, comme le pense saint Jean Chrysostome, 4 en raison de l’abandon horrible dans lequel ils ont laissé le Maître dans son agonie.

    Dans son infinie bonté, Jésus n’a pas laissé beaucoup de temps s’écouler pour se manifester à eux aussi. Il a choisi une excellente occasion pour cela : au crépuscule et avec les portes fermées, pour rendre plus évidente la grandeur du miracle de sa Résurrection.

    À la nuit tombée, c’est le moment où l’appréhension grandit au sein de ceux qui craignent. D’un autre côté, entrer dans une enceinte aux portes et fenêtres fermées est un prodige qui ne peut être fait que par quelqu’un dans un corps glorieux.

    On ne sait pas exactement où ils s’étaient rencontrés. L’hypothèse la plus probable serait au Cénacle.

    Une autre caractéristique intéressante est la position choisie par le Christ pour leur adresser la parole. Il aurait peut-être préféré les saluer au moment même de leur entrée, mais il marchait parmi eux et se trouvait là au milieu. Cela doit toujours être la place de Jésus dans toutes nos activités, nos préoccupations et nos besoins. Le laisser de côté, en plus de constituer un manque de respect et de considération, condamne à l’échec toute initiative, aussi bonne soit-elle.

    Sa salutation attire particulièrement notre attention : « La paix soit avec vous ! ».

    À première vue, nous serions portés à croire qu’il est compréhensible qu’il ait voulu les calmer des troubles qui les avaient affligés depuis leur emprisonnement au Jardin des Oliviers. En effet, ce pourrait bien être l’un de ses objectifs, mais le sens profond ne se trouve pas dans cette interprétation. Pour mieux le comprendre, demandons-nous ce qu’est la paix.

    « La paix de toutes choses, c’est la tranquillité de l’ordre », 5 dit saint Augustin, c’est-à-dire un ordre toujours calme. Saint Thomas6 démontre que la paix est l’effet propre et spécifique de la charité, puisque quiconque est uni à Dieu vit dans un ordre parfait, harmonisant tous ses pouvoirs, ses sens et ses facultés à sa cause efficace et finale. Cette union fait émerger un profond repos intérieur dans l’âme qui la possède et même ses ennemis extérieurs ne la dérangent pas, car rien ne l’intéresse autre que Dieu : « Que dire de plus ? Si Dieu est pour nous, qui sera contre nous ? » (Rm 8, 31).

    Or, nous savons par la théologie que le Saint-Esprit est la troisième personne de la Sainte Trinité et procède du Père et du Fils par l’amour. En lui est la racine, ou la semence, d’où naît le fruit de la charité. Lorsque nous aimons Dieu et le prochain, la joie et le confort envahissent notre intérieur. De cet amour et de cette joie naît la paix. 7

    Jésus, leur souhaitant la paix, leur a offert l’un des principaux fruits de cet Amour infini qu’est le Saint-Esprit.

    20 Cela dit, Il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie de voir le Seigneur.

    Par cette attitude du Seigneur nous pouvons bien évaluer combien la peur avait pénétré dans l’âme de tous, en dépit d’entendre la voix du Divin Maître leur souhaitant la paix.

    C’est pourquoi il était alors indispensable de leur montrer ces mains qui avaient tant guéri d’aveugles, de sourds, de lépreux et d’innombrables autres maladies, ces mains qu’ils avaient eux-mêmes peut-être baisées à un certain moment. Oui, ces mains qui venaient d’être transpercées par de terribles clous. Ils devaient prouver qu’ils étaient bien le Rédempteur, en voyant son côté transpercé par la lance de Longin.

    À ce moment, ils ont senti que la joie inondait leur âme, car ils ont constaté que ce n’était pas un fantôme qui était devant eux, mais Jésus lui-même en Corps, Sang, Âme et Divinité. De cette façon, sa promesse fut accomplie : « je vous reverrai, et votre cœur se réjouira ; et votre joie, personne ne vous l’enlèvera » (Jn 16, 22).

    Sa profonde intention apologétique se révèle dans cette attitude, en leur faisant voir ses saintes blessures, contrairement à ce qu’Il avait fait avec sainte Marie-Madeleine ou même avec les disciples d’Emmaüs.

    Une autre note de bonté consiste dans le fait qu’Il a voilé la splendeur de son Corps glorieux, sinon la nature humaine des apôtres n’aurait pas supporté le rayonnement de la majesté de l’Homme-Dieu ressuscité.

    21 Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »

    Encore une fois, Jésus leur souhaite la paix et fait allusion à l’importance de la tranquillité de l’ordre. Son objectif immédiat était de leur donner la sérénité d’esprit nécessaire pour faire face aux dissensions et aux persécutions meurtrières que les Juifs allaient faire contre eux. D’un autre côté, Jésus s’adresse aux siècles futurs et, par conséquent, à l’époque même dans laquelle nous vivons. Il nous répète également ce désir de paix formulé à l’époque pour les apôtres, en particulier pour notre civilisation qui trouve ses racines dans le Christ — Roi, Prophète et Prêtre — dont l’entrée dans ce monde s’est faite sous le beau chant des anges : « paix sur la terre » (Lc 2, 14). Le don qu’il a offert avant de quitter et de mourir sur la croix n’était autre que : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix » (Jn 14, 27). Cependant, l’humanité se suicide aujourd’hui dans les guerres, les terrorismes et les révolutions. Et quelle en est la cause ? Nous ne voulons pas accepter la paix du Christ.

    Comme la charité, la paix commence à la maison. Tout d’abord, elle doit se construire en nous-mêmes, laissant la raison éclairée par la foi régir nos passions. Sans cette discipline, nous entrons dans le désordre. Or, il est de plus en plus rare de trouver un être humain qui recherche cet équilibre basé sur l’effort et la grâce. La spontanéité domine despotiquement dans tous les coins. Nous vivons les axiomes de la Sorbonne de 1968 : « Il est interdit d’interdire » ; « L’imagination au pouvoir » ; « On ne revendiquera rien, on ne demandera rien, on prendra, on occupera ». Ils semblaient être une pierre philosophale de bonheur, de réussite et de plaisir pour l’humanité. Quelle déception !

    La paix doit être la condition commune et actuelle de bonnes relations sociales, en particulier dans la cellule-mère de la société : la famille. Voici l’un des grands maux de notre époque : l’autorité paternelle s’est autodétruite, la soumission amoureuse de la mère a disparu et l’obéissance des enfants a été rongée par le caprice, le manque de respect et la révolte. Ces maladies morales, transmises à la vie sociale, entraînent des luttes civiles, de classe et même entre les peuples.

    L’humanité subit ces conséquences du péché, et bien d’autres, pour avoir répudié la paix du Christ et embrassé la paix du monde, c’est-à-dire le consumérisme, l’égalitarisme, la laïcité, le culte de la machine, etc.

    Les Écritures disent : « “Pas de paix pour les méchants”, — dit mon Dieu » (Is 57,21). « Ils traitent à la légère la blessure de mon peuple, en disant : “Paix ! La paix !” alors qu’il n’y a pas de paix » (Jr 6, 14). Les millénaires sont passés et nous nous retrouvons dans la même perspective qu’auparavant, avec un facteur aggravant : corruptio optimi, pessima — la corruption de ce qu’il y a de meilleur est la pire. Oui, le rejet de la vraie paix que le Verbe Incarné nous a apporté est bien pire que l’ancienne impiété et a des conséquences encore plus dramatiques.

    L’ordre fondamental de la construction de la paix vient essentiellement de l’Évangile et du Décalogue, c’est-à-dire de l’amour de Dieu pour toutes choses et du prochain pour lui8. D’où la paix intérieure de l’homme et l’harmonie avec tous les autres, aimés de lui avec une vraie charité, s’épanouissent. C’est le meilleur remède contre tous les maux actuels, de « l’épidémie » de dépressions — maladie paradigmatique de notre siècle — au terrorisme. Il est essentiel que nous reconnaissions Dieu comme notre Législateur et Seigneur, car s’il n’y a pas de moralité individuelle ou familiale tout au long de la vie, il y aura encore moins un véritable équilibre social et international. Le chaos de nos jours nous le démontre amplement.

    La paix étant le fruit du Saint-Esprit, nous ne pouvons la trouver en dehors de l’état de grâce et de la pratique de la charité. Pour cette raison, celui qui devient invétéré dans le péché ne peut pas jouir de la paix : « Mais les méchants sont comme une mer agitée qui ne peut se calmer et dont les eaux agitent la boue et la vase » (Is 57, 20).

    Isaïe lui-même nous proclame la générosité et la grandeur de la bonté de Dieu envers les justes : « Car le Seigneur le déclare : “Voici que je dirige vers elle la paix comme un fleuve et, comme un torrent qui déborde, la gloire des nations” » (Is 66, 12).

    C’est la raison spécifique pour laquelle Jésus a souhaité la paix à ses disciples une deuxième fois. Il est l’auteur de la grâce et, par conséquent, l’auteur de la paix : « C’est lui, le Christ, qui est notre paix » (Ep 2, 14) ; « la grâce et la vérité sont venues par Jésus Christ » (Jn 1, 17).

    Après ce deuxième vœu de paix, Jésus envoie ses disciples en action, en précisant que nous ne devons jamais nous laisser emporter par le souci des tâches de la vie quotidienne, en perdant la sérénité. L’un des éléments essentiels d’un apostolat réussi est la paix de l’âme de ceux qui l’accomplissent.

    Un autre aspect important à considérer dans ce verset est l’affirmation du principe de médiation, si agréable à Dieu. Jésus se présente ici comme le Médiateur Suprême devant le Père et, en même temps, il fait des apôtres les médiateurs entre lui et le peuple. On voit combien les maximes égalitaires qui tentent de détruire la notion de hiérarchie sont trompeuses.

    22 Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit saint.

    La fête d’aujourd’hui commémore la descente de l’Esprit saint sur Marie et les apôtres, si bien racontée dans la première lecture (Ac 2, 1-11). Cet événement a eu lieu après l’Ascension de Jésus au ciel et c’est probablement la raison pour laquelle certains nient la réalité du grand mystère qu’Il a accompli à cette occasion, et qui nous est raconté dans le verset analysé. Cette erreur, plus explicite au début du VIe siècle, a été solennellement condamnée par l’Église lors du cinquième Concile œcuménique de Constantinople en 552 : “Si quelqu’un défend l’impie Théodore de Mopsueste ; que […] dans ses commentaires sur saint Jean, il prétend qu’il y a de la folie à croire que le Sauveur, en soufflant sur ses apôtres après sa résurrection, leur a donné le Saint-Esprit […] ; il soit anathème.” 9

    Le Saint-Esprit ne vient pas seulement du Père, mais aussi du Fils. C’est l’amour entre les deux. Et comment définir l’amour ? Il est beaucoup plus facile de le ressentir que de le définir. Lorsque deux amis qui s’aiment beaucoup se rencontrent après une longue période de séparation, ils s’embrassent étroitement avec joie. Que signifient ce geste si spontané et effusif sinon la manifestation d’un amour réciproque ? Tous les deux souhaiteraient presque, à ce moment, une fusion de leurs êtres. L’intérieur des mères s’effondre, leurs entrailles semblent s’arracher lorsqu’elles regardent leurs enfants partir. Ceux qui s’aiment veulent être ensemble et se regarder. Ceux qui s’aiment veulent être ensemble et se regarder. Et plus l’amour est fort, plus l’envie de se réunir est grande.

    Or, lorsque les deux êtres qui s’aiment sont infinis et éternels, jamais cet élan d’union ne pourra être maintenu dans les limites étroites d’une simple tendance émotionnelle, comme c’est souvent le cas chez nous, les hommes. Entre le Père et le Fils, cet Amour est si vigoureux qu’il fait procéder une Troisième Personne, le Saint-Esprit.

    Nos amours, à plusieurs reprises, sont inconstantes. Au contraire, Dieu — puisqu’il se contemple lui-même, Vrai, Bon et Beau, éternellement et irrésistiblement — s’aime pour toujours et à jamais, et de cet amour fait avancer une Troisième Personne infinie, sainte et éternelle, le Saint-Esprit. L’amour est éminemment diffusif et il a donc tendance à communiquer, à se donner. Il est curieux de constater la différence dans la façon entre une personne et l’autre de communiquer avec les hommes.

    Le Fils est venu dans ce monde en assumant notre nature dans l’humilité et l’effacement. Le Saint-Esprit, au contraire, marque sa présence de symboles d’éclat et de majesté sans assumer une autre nature. La face de la terre sera renouvelée par lui, d’où les manifestations de splendeur, de force et de rapidité des phénomènes physiques qui ont accompagné son effusion des grâces à ceux qui se sont rassemblés au Cénacle, car ils doivent être apôtres et témoins. Il fallait qu’ils soient éclairés et protégés, et sachent enseigner.

    Dans l’Évangile de Jean, ce don du Saint-Esprit a en vue le pouvoir de pardonner les péchés :

    23 “À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus.”

    Combien grand est le don accordé aux mortels par les prêtres : le pardon des péchés ! Et comme la responsabilité d’un ministre de Dieu est immense ! Saint Jean Chrysostome dit de lui : “Le prêtre qui se contente de bien régler sa vie personnelle, mais ne prend point un soin vigilant de la vie des autres, est condamné au feu de l’enfer avec les impies.” 10

    III — Conclusion

    Nous parlons tant de paix aujourd’hui et comme nous vivons à son extrême opposé ! L’intérieur des cœurs est rempli d’ennui, d’appréhension, de peur, de découragement et de frustration, lorsque ce n’est pas d’orgueil, de sensualité et de manquement à la pudeur. L’institution familiale est en passe de devenir une pièce d’antiquité. L’empressement à obtenir, quel que soit le moyen utilisé, sans tenir compte des droits d’autrui, caractérise toutes les nations de ces derniers temps. En bref, il n’y a pas de paix individuelle ou familiale, ni au sein des nations.

    C’est pourquoi notre regard doit être dirigé vers la Reine de la Paix, afin de supplier sa puissante intercession afin que son Divin Fils nous envoie une nouvelle Pentecôte et de cette manière que la face de la Terre soit renouvelée, comme la meilleure solution pour le grand chaos contemporain.


    1) CLÁ DIAS, EP, João Scognamiglio. “E renovareis a face da Terra…”. In: Arautos do Evangelho. São Paulo. N.5 (Mai 2002) ; p.5-10 ; Commentaire de la lecture des Actes des Apôtres de la Solennité de la Pentecôte, dans ce même volume.
    2) SAINT BERNARD. Tratado sobre la consideración. L.I, c. II, n.3. In: Obras Completas. 2e éd. Madrid : BAC, 1994, v. II, p.57 ; 59.
    3) SAINT THOMAS D’AQUIN. Liber de perfectione spiritualis vitæ, c. XVII.
    4) Cf. SAINT JEAN CHRYSOSTOME, apud SAINT THOMAS D’AQUIN. Catena Aurea. In Ioannem, c.XX, v.19-25.
    5) Cf. SAINT AUGUSTIN. De Civitate Dei. L.XIX, c.13, n.1. In: Obras. Madrid: BAC, 1958, v.XVI-XVII, p.1398.
    6) Cf. SAINT THOMAS D’AQUIN. Somme théologique. II-II, q.29, a.3.
    7) Cf. Idem, I-II, q.70, a.3.
    8) Cf. Idem, II-II, q.29, a.3.
    9) Dz 434.
    10) SAINT JEAN CHRYSOSTOME, apud SAINT THOMAS D’AQUIN, Catena Aurea, op. cit.

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