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Des eaux qui proclament le triomphe de Marie

Sr Carmela Werner Ferreira, EP

Sereines, solides et glorieuses, les eaux du golfe de Lépante fascinent toujours les yeux et les esprits de ceux qui se promènent sur ses rives en se demandant quelles histoires ce lieu insolite peut-il bien abriter. Or, cet enchantement n’est pas dû aux inspirations d’Homère ou à l’éclat du raisonnement d’Aristote, qui a brillé un jour en Grèce pour ensuite conquérir le monde.

Dans cet imposant paysage maritime marqué par les vents de l’héroïsme, la matinée du 7 octobre 1571 se lève décisive, incitant les flottes chrétiennes rassemblées là à prendre la grande résolution d’avancer. Les prières du Souverain Pontife, jointes au bras fort de « Il y eut un homme envoyé par Dieu ; son nom était Jean » (Jn 1, 6), ont conquis les Cieux, déplacé la terre et pénétré les mers, prenant le caractère d’une lutte jusqu’à se transformer en un magnifique triomphe ! Dans ces eaux, beaucoup ont donné leur vie avec fierté pour défendre quelque chose de plus cher que les rêves de la jeunesse et de plus sacré que la lumière de leurs propres yeux : la liberté de la Sainte Église catholique romaine.

Saint Pie V avait une certaine intuition prophétique qui lui a fait conseiller à plusieurs reprises de continuer sans se décourager, car lui-même, au nom de Dieu, leur assurait la victoire. Le pape était un vieillard vénérable qui, au crépuscule de sa vie, avait vu une persécution sans précédent se déchaîner sur la chrétienté, et dont la foi, soumise au feu des épreuves (cf 1 P 1, 7), n’a jamais vacillé face à l’adversaire.

Armé de courage, l’austère sexagénaire a entrepris des veillées de prière, de jeûne et de pénitence en suppliant la Sainte Vierge, Notre Dame du Rosaire et Secours des chrétiens, pour le salut du troupeau menacé. Que s’est-il passé entre la Sainte Vierge et lui pendant ces longues conversations ? Voilà quelque chose qui, jusqu’à ce jour, reste enveloppé dans les brumes du mystère. Néanmoins, dans sa condition de chef visible de l’Épouse mystique du Christ, détenteur du pouvoir des clés et dépositaire des promesses d’immortalité de l’Église (cf. Mt 16, 18-19), le Successeur de Pierre a ému le Cœur Immaculé de Marie et, par conséquent, changé le cours de l’histoire.

Assisté de lumières surnaturelles, saint Pie V lance dans les royaumes catholiques le bâton d’un assaut fulgurant, suivi seulement par les plus fervents. Il leur montra l’angoisse de son âme de pasteur, mais surtout la certitude du succès, dont il avait été mystiquement assuré.

Il discerne, en même temps, une très haute vocation chez le fils cadet de l’empereur Charles V, alors jeune homme âgé de seulement vingt-quatre ans, qui se montre taillé par Dieu pour des exploits et des audaces dignes des grands héros. Il le placera sans hésiter à la tête des hommes de guerre les plus expérimentés avec un seul mot : « En avant !

Une promesse ineffable de gloire accompagne dès le début l’entreprise, fruit du regard maternel de la Très Sainte Vierge qui est venue personnellement achever l’œuvre commencée par la force virile de ses fils combattants.

Plus de quatre siècles après la plus grande bataille navale de tous les temps, notre âme catholique tire de la grande leçon de Lépante, la certitude que les carrefours du futur, bien que redoutables, ne pourront jamais empêcher l’intervention céleste dont le caractère symbolique, miraculeux et paradigmatique reste indélébile dans l’exploit mené par le commandant suprême Juan d’Autriche.

Peut-être ce golfe, d’une beauté épique, est-il encore habité de nos jours par l’ange qui conduisit l’armada chrétienne en cet  « occasion la plus mémorable et la plus exaltée que les siècles passés aient jamais contemplée. » [1] Par sa présence belliqueuse, il semble caresser le rivage, remuer les eaux et inspirer, à ceux qui les contemplent, cette certitude : « La victoire d’aujourd’hui, comme celle d’hier, est réservée à ceux qui savent élever jusqu’au trône de Dieu le cri né de la foi intrépide au fond de leur cœur : Auxilium Christianorum, ora pro nobis ! »

[1] Miguel de CERVANTES SAAVEDRA, Novelas ejemplares, Prologue.

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